Endurer l’Impensable : les effets durables d’une détention comme prisonnier de guerre pendant la seconde guerre mondiale
Article rédigé par Amynte Eygun, MA.
Westmount, Québec – 29 octobre 2024: Bien qu’il ne fasse aucun doute que les hommes ayant été contraints de passer du temps dans les camps de prisonniers allemands n’aient pas été bien traités, ils n’ont pas non plus été torturés de la même manière inhumaine que les civils juifs et soviétiques dans des camps comme Auschwitz et Bergen-Belsen. Les prisonniers vivaient dans les conditions difficiles d’un camp de détention, mais ils avaient généralement accès à de la nourriture, de l’eau, à un espace extérieur et à des soins médicaux. Ils avaient aussi habituellement accès aux colis de la Croix-Rouge envoyés du Canada, même s’il était courant que les Allemands les confisquent pour leur propre usage. Malgré le fait que les gardiens allemands respectaient, de manière générale, les lois de la Convention de Genève mises en place pour protéger les prisonniers et les traiter de manière humaine, les mois passés en captivité n’étaient pas une période de détente et de repos.
Les jeunes Canadiens qui se sont rendus en Europe pour combattre en première ligne l’ont fait volontairement, souvent par patriotisme, et devenir prisonnier de guerre les privait de la capacité de se battre. Être capturé était difficile physiquement, mais cela l’était encore plus mentalement. « Devenir prisonnier de guerre pourrait être perçu par leurs contemporains comme une position opposée au modèle idéalisé de la masculinité que la guerre totale exige des hommes en âge de combattre : celui du “héros soldat” ».
Pour comprendre les effets post-guerre d’un passage en tant que prisonnier, il faut reconnaître le traumatisme que ces jeunes hommes ont enduré sur le champ de bataille, voyant leurs amis et compagnons d’armes mourir et être blessés autour d’eux. Le sentiment d’échec qui les aurait envahis une fois capturés devait être accablant. Ces hommes, dont beaucoup exerçaient des métiers civils traditionnels avant la guerre, n’étaient pas mentalement préparés aux événements de la guerre, à voir leurs camarades mourir et à être témoins des traits les plus cruels de l’humanité. De nombreux prisonniers de guerre ont passé des années derrière les barbelés dans les camps de prisonniers de l’Axe à travers l’Europe et l’Asie, mais les hommes du Royal Montreal Regiment (RMR) capturés ont passé environ six mois au Stalag XI-B. Dans le cadre des camps de prisonniers, le Stalag XI-B n’était pas le pire, et le traitement des prisonniers y restait majoritairement humain. Cependant, le stress émotionnel et la peur que suscite la condition de prisonnier de guerre pouvaient affecter n’importe quel homme, peu importe la durée de sa captivité. L’état mental d’un jeune homme qui s’était porté volontaire pour servir son pays, qui était perçu par sa famille et son pays comme un héros, et qui avait déjà été confronté à une quantité déraisonnable de morts et de souffrances, serait fragile une fois capturé en tant que prisonnier de guerre, car son identité de soldat, de héros et d’être humain en général était alors réduite à néant. Ils devaient se sentir inutiles à l’effort de guerre, à leurs brigades, sans savoir quand ils seraient libérés. Être prisonnier de guerre déclenchait un syndrome de stress post-traumatique chez de nombreux soldats canadiens, dont beaucoup n’ont jamais raconté les histoires de leur passage dans les camps. Le cerveau humain n’est pas fait pour être soumis à autant de cruauté, de torture et de mépris pour la vie humaine, ce qui finit par altérer la santé mentale de quiconque a été témoin ou victime de telles atrocités.
Les hommes du RMR capturés au canal Leopold ont eu de la chance : ils n’ont pas été physiquement torturés ni proches de la mort au moment de leur libération. Tous ont survécu et ont pu mener une vie pleine après la guerre, mais il n’est pas surprenant d’apprendre que nombre d’entre eux ont refusé de parler de leur expérience en tant que prisonniers de guerre, voire de la guerre elle-même. Le traumatisme des camps de prisonniers les a probablement hantés pour le reste de leur vie, même si leur captivité n’a duré que quelques mois.