Bravoure sous le feu : la dernière mission d’un jeune de 22 ans

La tombe du Soldat Adélard Martin au Cimetière de guerre Canadien.

Article rédigé par Amynte Eygun, MA

Westmount, Québec – 16 October 2024:  Joseph Adélard Roger Martin était un soldat francophone du Royal Montreal Regiment (RMR), âgé de seulement 22 ans lorsqu’il fut tué au combat sur les rives du canal Léopold. Fils de Joseph Ernest Martin (1897-1954) et de Laura Paré-Martin (1896-1980), Adélard était l’aîné de huit enfants. Ses frères et sœurs étaient Marie Clotilde Fernande Martin (1924-), Marie Fleurette Jacqueline Martin (1925-1983), Joseph Yves Réal Martin (1927-), Joseph Théodule Réal Martin (1930-), Joseph Ernest Raymond Martin (1931-), Marie Théodora Élise Martin (1933-) et Joseph René Réjean Martin (1938-). La famille Martin était de confession catholique romaine, ce qui était très courant pour les franco-canadiens aux 19e et 20e siècles. En jugeant par les prénoms donnés aux huit enfants — Joseph et Marie — la foi catholique devait être un pilier de la structure familiale.

La famille Martin vivait au 184 rue Murray, au cœur de Griffintown. Aujourd’hui, leur maison n’existe plus, ayant été remplacée par des condos modernes suite à la démolition des quartiers dans les dernières décennies du 20e siècle et à la forte gentrification de la zone dans les années 2000. Griffintown était connu comme un quartier majoritairement irlandais, avec un afflux d’immigrants arrivés au début et au milieu du 19e siècle, notamment pendant la famine en Irlande dans les années 1840. La famille Martin, bien que francophone, était entourée de voisins irlandais, les deux cultures étant unies par leur dévouement à l’Église catholique

Édifice de la compagnie Northern Electric, Pointe Saint Charles, Montréal, 1902.

Avant la guerre, Adélard Roger travaillait comme apprenti machiniste chez Northern Electric, dans une usine située à Pointe-Saint-Charles. Heureusement pour lui, l’usine se trouvait à seulement 15 minutes de marche de chez lui ! L’entreprise a été fondée en 1895 en tant que filiale de la Compagnie de téléphone Bell, dans le but de fabriquer des pièces pour les téléphones. Dans les années 1930, période pendant laquelle Adélard Martin travaillait à l’usine, la Northern Electric and Manufacturing Company employait 4 686 personnes, y compris Martin. L’entreprise possédait l’une des plus grandes usines de Montréal jusqu’en 1974, lorsqu’elle déménagea dans de nouvelles installations. Adélard Martin travaillait pour cette grande entreprise depuis un an et demi lorsqu’il s’enrôla le 2 juin 1942. Il touchait alors un salaire hebdomadaire de 19 $, soit l’équivalent d’environ 388 $ aujourd’hui en 2024. Les documents d’enrôlement du soldat Martin indiquent qu’il appréciait son métier de machiniste et qu’il espérait poursuivre cette carrière après la guerre.

Avant d’entrer sur le marché du travail, le soldat Martin avait étudié jusqu’à la 7e année (15 ans)  quittant probablement l’école pour travailler et aider à subvenir aux besoins de sa grande famille. Cependant, entre 1937 et 1938, il suivit des cours de dactylographie à l’Académie St. Ann, une école associée à l’église catholique St. Ann, un pilier du quartier de Griffintown. Pendant son temps libre, Adélard était très actif dans le sport : il nageait régulièrement, jouait au baseball comme joueur de premier but, et jouait au hockey en tant que centre.

Église Catholique Sainte-Ann, Griffintown, Montréal, 1930. Source: Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, https://www.tfcg.ca/history-of-griffintown

Le soldat Martin s’enrôla un peu plus tard que d’autres soldats ayant combattu au canal Léopold, car le Canada était impliqué dans la guerre depuis septembre 1939. Selon ses documents d’enrôlement de 1942, il se joignit à l’effort de guerre après qu’un de ses petits frères s’enrôla dans la marine, éveillant en lui le désir de servir son pays. Il voulait devenir mitrailleur, bien qu’il n’ait jamais utilisé de mitrailleuse avant son enrôlement, et s’intéressait aussi à la conduite de camions.

Le 6 octobre 1944, le soldat Martin, âgé de 22 ans, faisait partie du peloton 3 du sergent Craddock. Martin avait réussi à traverser le canal et, avec son peloton, avait reçu l’ordre du capitaine Schwob de progresser vers la route Maldeghem-Aardenburg. Les hommes furent rapidement pris sous le feu ennemi de tous les côtés. La lettre envoyée par le sergent Craddock au major Lowe relatant la situation décrit les circonstances de la mort du soldat Martin :

« L’ennemi nous avait vraiment bien repérés ici ; les choses se sont enflammées rapidement, le feu venait de notre avant, de la gauche, et après avoir mis le feu à une meule de foin, on a été attaqué de l’arrière par une mitrailleuse. On avait beaucoup rampé jusque-là ; on était à environ 200 verges (yards) des maisons. Impossible d’utiliser les mitrailleuses Bren, toutes deux étaient bloquées par la boue. À ce moment-là, j’ai été blessé par une grenade. Les Allemands avaient remonté le fossé de l’autre côté de la route. Le soldat Martin a été tué ensuite, une balle dans la tête. »

Médaille Croix Mémoriale du Soldat Adélard Martin. Bibliothèque et Archives du Canada.
Formulaire de médaille du Soldat Adélard Martin. Bibliothèque et Archives du Canada.

Les derniers instants de la vie d’Adélard Roger ont dû être terrifiants, exaltants et remplis d’adrénaline. Il était en plein cœur de l’action, avec des grenades et des tirs de mitrailleuses tout autour de lui. Martin a été tué sur le coup par une balle à la tête, probablement assez rapidement pour qu’il ne ressente ni ne remarque rien. Le soldat Martin est enterré au cimetière de guerre canadien d’Adegem, à Adegem, en Belgique.

Nous nous souviendrons d’eux.

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